Un texte de Jean-Marc Dupuis duquel il n’y a rien à retrancher…
Dr Ph. Beury L’arthrose n’est pas causée par l’usure des cartilages.
Si vous avez peur d’avoir un jour de l’arthrose, vous avez raison. L’arthrose empoisonne la vie de la moitié des personnes de plus de 65 ans dans les pays industrialisés : c’est le problème articulaire le plus répandu et la cause principale de handicap chez les personnes âgées.
Si vous avez entre 45 et 64 ans, vous avez un risque de 30 %. [1]
Vu les ennuis et les douleurs que cause cette maladie, pendant des années ou des décennies, il semble indispensable de vous préoccuper dès maintenant de l’empêcher d’apparaître, surtout si vous avez une des prédispositions suivantes :
• excès de poids ;
• blessures aux articulations ;
• hérédité ;
• sexe (les femmes ont plus d’arthrose que les hommes) ;
• mauvais alignement des os (jambes en X ou jambes arquées).
Alors voici ce que vous devez savoir sur l’arthrose :
L’arthrose n’est pas causée par l’usure du cartilage
On imagine souvent que l’arthrose est causée par l’usure du cartilage, au point de jonction entre les os. A force de frotter l’une contre l’autre, les deux surfaces de cartilage finiraient par s’éroder.
C’est une vision sympathique mais naïve. Voici comment les choses se passent réellement :
Le cartilage est une couche mince (quelques millimètres au plus dans les plus grosses articulations) qui recouvre le bout des os et qui joue le rôle de « pneu » de l’articulation. Sa surface ferme et élastique est très lisse. Le cartilage est de plus imbibé de synovie, le liquide articulaire, présent normalement en très petite quantité, et de consistance filante (comme du blanc d’oeuf). Cette synovie est si efficace comme lubrifiant, que le cartilage glisse plus facilement sur le cartilage adjacent qu’un patin sur la glace !
Lorsque vous avez de l’arthrose, votre cartilage s’amincit puis disparaît. Mais ce n’est pas à cause de l’usure.
Au contraire : le cartilage n’étant pas irrigué par des vaisseaux sanguins, sa seule façon de se procurer des nutriments pour se renouveler est que la synovie y pénètre et y circule, car c’est dans la synovie que se trouve la « nourriture » des cellules productrices de cartilage. Or, cela ne se produit que sous l’effet des pressions provoquées par les mouvements : compressé puis relâché, le cartilage, un peu à la manière d’une éponge, s’imprègne puis expulse la synovie, se chargeant au passage des précieux nutriments qu’elle contient.
Ainsi, plus vous bougez, plus vous utilisez vos articulations, mieux votre cartilage est irrigué et peut se renouveler ! C’est le miracle du cartilage, qui ne s’use que quand on ne l’utilise pas.
Ainsi, bien souvent, le sportif qui souffre d’arthrose accuse le sport qu’il a pu faire jeune alors que le vrai responsable est en fait la décennie d’inactivité récente.
Lorsque vous avez compris ça, vous avez une avance immense sur les autres personnes qui souffrent d’arthrose. Non seulement vous éviterez les erreurs les plus communes des personnes qui veulent se prémunir de l’arthrose, mais vous avez les outils pour suivre une vraie stratégie efficace contre l’arthrose, qui peut être aussi simple que de… faire le bon choix au supermarché.
Une nouvelle théorie sur les vraies causes de l’arthrose
Car vous allez voir, sur le sujet de l’arthrose comme sur tant d’autres, vos aliments peuvent avoir l’effet de poison, ou de médicament, selon les choix que vous ferez.
Selon le Dr Cheras, un professeur de médecine australien, l’arthrose est causée par la qualité de votre sang, exactement comme les maladies cardiovasculaires. Les études épidémiologiques (études sur le nombre de personnes touchées par des maladies) indiquent un lien entre les deux maladies. [2]
Une étude a montré que les personnes ayant de l’arthrose dans les articulations de la main avaient 40 % de risque en plus de mourir de maladie cardiovasculaire. [3] Une étude menée par le Professeur Cheras a montré que les facteurs de risque annonçant une maladie cardiovasculaires, en particulier les problèmes de coagulation et de fluidité du sang, annonçaient aussi (dans une moindre mesure) l’arthrose. [4]
Ce phénomène pourrait s’expliquer par le fait que l’extrémité des os, juste en-dessous du cartilage, sont irrigués par des capillaires (vaisseaux sanguins extrêmement fins). Selon une récente revue d’études, cela pourrait jouer un rôle clé dans le déclenchement et la progression de l’arthrose. [5]
En fait, l’arthrose ne serait pas causée par la destruction du cartilage, mais par la mort des cellules de l’os, à l’endroit du cartilage, due à une mauvaise irrigation sanguine. On appelle cette partie de l’os « os subchondral ». L’interruption de l’irrigation sanguine entraînerait une baisse des apports en nutriments des cellules osseuses. Après la mort cellulaire, l’os se résorberait, se fissurerait, et le cartilage délicatement posé dessus serait affaibli puis endommagé et détruit.
Cette hypothèse est d’autant plus intéressante qu’une nouvelle étude publiée au Royaume-Uni semble précisément aller dans ce sens :
Il s’agit d’une étude épidémiologique sur les jumeaux atteints d’arthrose. [6] Dans cette étude, la consommation de fruits (hors agrumes) et d’alliacées (ail, oignon, poireaux) a démontré un fort effet protecteur contre le développement d’arthrose dans l’os de la hanche. Au contraire, la consommation de frites et de pommes de terre sautées a été associée à un risque beaucoup plus élevé. Or, les alliacées (ail, oignon, poireau) améliorent la circulation sanguine, en particulier dans les vaisseaux les plus fins comme les capillaires. Ce serait par ce biais qu’ils protègeraient de l’arthrose.
Méfiez-vous de la « glycation »
Cette étude a également établi un autre lien intéressant concernant l’arthrose : il s’agit des effets de la « glycation » pour déclencher la dégénération du cartilage et l’inflammation dans l’articulation.
La « glycation » est le phénomène au cours duquel du glucose se lie de façon irrémédiable à des protéines constitutives de vos tissus, ce qui peut empêcher ces protéines de fonctionner normalement.
Les protéines « glyquées » se forment proportionnellement à la quantité de glucose dans vos tissus, qui elle-même dépend de la façon dont vous réagissez à l’insuline. Il s’en trouve aussi dans votre alimentation : c’est le « grillé » si délicieux des pommes de terre sautées, des frites, de la peau de poulet rôtie, des côtes d’agneau au barbecue…
C’est pourquoi ces modes de cuisson sont malheureusement peu recommandés si vous souhaitez vivre longtemps et surtout en bonne santé.
Cette théorie est appuyée par le fait qu’il existe une corrélation entre la gravité de l’arthrose et le niveau élevé de protéines glyquées dans le cartilage. [7] En effet, les récepteurs de protéines glyquées déclenchent une augmentation de l’activité catabolique des cellules inflammatoires, et notamment la production de cytokines et d’enzymes dégradant la matrice du cartilage, qui est faite de fibres de collagène. [8] Un cycle d’inflammations se déclenche dans le corps, ce qui nuit fortement au cartilage, comme le savent toutes les personnes qui ont lu nos rapports détaillés sur l’arthrose.
Le meilleur régime pour prévenir l’arthrose
L’accumulation de protéines glyquées dans votre corps peut être fortement réduite si vous évitez déjà d’en manger, c’est évident. Les aliments grillés, rôtis, frits sont très mauvais de ce point de vue, en particulier lorsqu’il s’agit de noix de tous types (incluant les amandes, noisettes, noix de cajou…), les chips, les frites, les viandes et les œufs, les fromages et les huiles de cuisson.
Je sais, ce sont de mauvaises nouvelles, mais votre bien compréhensible tristesse sera peut-être atténuée par l’information suivante : faire mariner vos viandes dans le jus de citron ou le vinaigre avant de les griller réduit fortement la glycation. Et il existe aujourd’hui des techniques de cuisson à basse température qui permettent une cuisine délicieuses, comme par exemple le four à basse température.
J’ajouterais que la qualité déplorable et l’absence de goût navrante des fruits et légumes que l’on trouve actuellement dans le commerce (y compris les boutiques bios) est une raison de plus de ne pas faire surcuire ses aliments. On évite ainsi qu’il ne se transforment en bouillie insipide.
Evitez la glycation spontanée dans vos tissus
Vous aviez toutefois noté que votre corps produit malheureusement lui aussi des protéines glyquées, quand bien même vous n’en auriez pas dans votre alimentation. C’est vrai, mais souvenez-vous aussi que cette production est proportionnelle à la quantité de sucre que vous avez dans vos tissus.
Or, si vous avez beaucoup de sucre, c’est parce que vous mangez trop des nourritures qui se transforment trop rapidement en sucre. Et que, avec le temps, votre sensibilité à l’insuline a diminué, puisque, normalement, quand votre taux de sucre sanguin monte, votre pancréas fabrique une hormone, l’insuline, qui va « ouvrir » des petites portes dans vos cellules, qui vont absorber le glucose sanguin et ainsi, miraculeusement, faire baisser votre taux de sucre, et limiter la glycation.
Pour éviter de développer une résistance à l’insuline et ainsi réduire la formation endogène de protéines glyquées (endogène veut dire : à l’intérieur de votre corps, autrement dit produit dans vos tissus, et non issu de l’alimentation), il faut suivre une diète alimentaire à faible index glycémique (ce qui est tout un sujet en soi, mais vous pouvez aller faire un tour sur le site montignac.com ou lanutrition.fr pour tout savoir sur l’index glycémique).
Enfin, et c’est là aussi tout un sujet en soi, il existe des produits naturels qui vont ralentir votre vitesse d’absorption du sucre que vous mangez, et des plantes qui maintiennent une bonne sensibilité à l’insuline, comme le chardon-Marie, la Gymnema sylvestris, le ginseng coréen, ainsi que le Coleus forskohlii. Le résultat sera un meilleur contrôle de votre niveau d’insuline – et vous pourriez constater de fortes améliorations sur vos douleurs articulaires, parmi tous les bienfaits que vous en retirerez.
Pour conclure sur le chapitre des plantes, vous vous souvenez que l’effet protecteur des allicées (surtout l’ail) contre l’arthrose est probablement dû à leur effet sur la microcirculation sanguine.
Mais il existe de nombreux fruits qui ont également des bienfaits sur la circulation : ce sont les légumes riches en oligo-proanthocyanidines et en anthocyanines, tels que les raisins et les petits fruits rouges et noirs. D’autres plantes sont bénéfiques pour la microcirculation et pourraient contribuer à prévenir l’arthrose : la myrtille, les extraits d’écorce de pin, le Gingko biloba, et le Gotu kola (ou centella asiatique).
A votre santé !
Jean-Marc DupuisNotes
[1] Société Française de Rhumatologie : http://www.rhumatologie.asso.fr/05-Bibliotheque/Livre-Blanc/C6-epidemiologie.asp
[2] Kornaat PR, Sharma R, van der Geest RJ et al. Positive association between increased popliteal artery vessel wall thickness and generalized osteoarthritis : is OA also part of the metabolic syndrome ? Skeletal Radiol 2009 ; 38(12) : 1147-1151
[3] Conaghan PG, Vanharanta H, Dieppe PA. Is progressive osteoarthritis an atheromatous vascular disease ? Ann Rheum Dis 2005 ; 64(11) : 1539-1541
[4] Cheras PA, Whitaker AN, Blackwell EA et al. Hypercoagulability and hypofibrinolysis in primary osteoarthritis. Clin Orthop Relat Res 1997 ; (334) : 57-67
[5] Findlay DM. Vascular pathology and osteoarthritis. Rheumatology 2007 ; 46(12) : 1763-1768
[6] Williams FM, Skinner J, Spector TD et al. Dietary garlic and hip osteoarthritis : evidence of a protective effect and putative mechanism of action. BMC Musculoskelet Disord 2010 ; 11 : 280
[7] DeGroot J, Verzijl N, Wenting-van Wijk MJ et al. Accumulation of advanced glycation end products as a molecular mechanism for aging as a risk factor in osteoarthritis. Arthritis Rheum 2004 ; 50(4) : 1207-1215
[8] Steenvoorden MM, Huizinga TWJ, Verzijl N et al. Activation of receptor for advanced glycation end products in osteoarthritis leads to increased stimulation of chondrocytes and synoviocytes. Arthritis Rheum 2006 ; 54(1) : 253-263 13. Uribarri J, Woodruff S, Goodman S et al. Advanced glycation end products in foods and a practical guide to their reduction in the diet. J Am Diet Assoc 2010 ; 110(6) : 911-916.e12