Pilule… pour essayer d’y comprendre quelque chose !

par | Avr 28, 2019 | Santé

Pilule… pour essayer d’y comprendre quelque chose…

La pilule est un médicament destiné à la contraception des femmes en âge de procréer.

 Tout dans cette phrase est important. D’abord la pilule est un médicament, ce n’est donc pas un bonbon qu’on prend n’importe comment ; il comporte des indications, des contre-indications et des effets indésirables… L’indication de votre « pilule » est « contraception orale  »… Tout autre « indication » prouvera que ce produit n’est pas indiqué comme contraceptif… et cela existe les « pilules » dont l’indication n’est pas la contraception ! (exemple Diane35)

 La contraception est une méthode qui vise à éviter d’avoir des enfants non désirés…

 La pilule contraceptive est destinée aux femmes en âge de procréer. Ce n’est donc pas une méthode pour lutter contre les effets pervers de la ménopause.

Les pilules contraceptives dites « oestroprogestatives » (dans la suite de ce texte nous appellerons POP les pilules oestroprogestatives) contiennent deux hormones : un oestrogènes et un progestatif. Seul le progestatif a un effet contraceptif ; l’estrogène est là pour compenser certains effets indésirables du progestatif…

Comment diminuer les risques qu’engendre la prise de POP ?

La pilule n’est pas un médicament anodin. Ses effets indésirables sont nettement augmentés si la femme a des anomalies sanguines favorisant des thromboses ou si elle fume.

Pour le tabac c’est simple ; il faut choisir entre pilule et tabac. Donc il faut arrêter le tabac… ou prendre un autre moyen de contraception !

Pour les anomalies sanguines, il faut savoir qu’elles sont, le plus souvent, familiales. On doit donc interroger la patiente sur l’existence de problèmes cardiovasculaires chez ses parents, frères et sœurs à un âge jeune.

Les questions à se poser sont simples : « Vos parents (père et mère et éventuellement oncle et tante), vos frères ou sœurs, ont-ils eu, avant cinquante ans : phlébite (caillot de sang dans le mollet), embolie pulmonaire (dans un vaisseau du poumon) ou un AVC (dans un vaisseau du cou ou de la tête, on dit aussi « congestion cérébrale », « hémiplégies »… ) ? Dans l’affirmative, c’est comme pour le tabac, pas de pilule œstro-progestative, il faut choisir une autre contraception…

Il faut également savoir que la grande majorité des accidents survient dans les 24 premiers mois de prise de pilule. Donc si vous prenez la pilule depuis plus de deux ans, inutile de s’alarmer, inutile de changer de pilule même si elle apparait à risque… Ne changez rien, tout va bien !

Pourquoi la polémique actuelle sur les pilules de troisième génération ?

Parce que les POP de troisième génération augmentent le risque cardio-vasculaire de façon importante et surtout de façon plus importante que les autres pilules. Les chiffres sont clairs et méritent d’être médités, les chiffres suivants concernent les femmes de moins de 35 ans, en bonne santé : 
  Risque d’AVC chez les femmes sans contraception hormonale  : 5 à 10 pour 100 000 femmes et par an (autrement dit, en un an, sur 100 000 femmes qui ne prennent pas la pilule, 5 à 10 feront une phlébite, une embolie pulmonaire ou un AVC cérébral « spontané »)

Risque d’AVC chez les femmes prenant une pilule estrogénique  :

 Pilule de 2ème génération : 20 pour 100 000 femmes et par an 
 Pilules de 3ème génération avec désogestrel ou gestodène : 40 pour 100 000 femmes et par an (2 fois plus
 Pilules de 3ème génération avec cyprotérone : 80 pour 100 000 femmes et par an (4 fois plus !) Le risque d’AVC avec les pilules contenant de la drospirénone (Jasmine et autres, dite de « 4ème génération ») est compris entre la 2ème et la 3ème génération (entre 20 et 40 pour 100 000/an). Relativisons quand même puisque le risque de mourir d’un accident quand on prend sa voiture est de 19,4 sur 100000 !

Donc la prise de pilule de 2ème génération multiplie par deux le risque cardiovasculaire, la prise d’une pilule de 3ème génération le multiplie par 4 à 8…

Rappelons le, après deux ans de prise de pilule, les risques, quelle que soit la pilule, s’équilibrent. Il n’y a donc aucune raison de changer de pilule après plus de deux ans de prise, même si cette pilule est plus dangereuse au départ…

Pourquoi a-t-on inventé les pilules de troisième et quatrième génération qui sont plus risquées ?… Pour le fric bien sûr !

C’est là le scandale… On a vendu des pilules pour n’importe quoi. On a donné des « pilules » contre l’acné… Ainsi Diane35 qui n’a pas l’indication « contraception » est-elle largement prescrite… alors qu’il existe des médicaments plus efficaces contre l’acné ! Et surtout, quelques boutons valent-ils le risque de se retrouver dans une chaise roulante à vie ??? On a vendu des pilules qui « évitaient de grossir »… On a vendu des pilules qui « permettaient d’être une femme active »… etc.

En fait, les pilules de deuxième génération sûres et bien connues n’étaient plus assez rentables pour les laboratoires. Ils ont donc inventé d’autres pilules dont le principal intérêt était leur rentabilité… Ils ont multiplié la communication vers les médecins mais surtout vers les patientes au travers de la presse féminine qui faisait les louanges de telle ou telle pilule… Cela sans jamais parler des risques…

En fait on a oublié la première ligne de cet article : « La pilule est un médicament destiné à la contraception des femmes en âge de procréer.  »

Les médecins généralistes sont-ils responsables ?

On a suggéré récemment que la cause de tous ces maux était les médecins généralistes qui prescrivent n’importe quelle pilule sans rien y comprendre et sans être conscients des risques… Et de conseiller la prescription de ces pilules par des spécialistes, les gynécologues. C’est oublier que le taux de prescription des pilules de troisième génération est maximum, justement, chez les gynécologues et qu’il ne faut pas être grand clerc pour y comprendre quelque chose… C’est oublier aussi que ces fameuses pilules sont distribuées par des pharmaciens, des infirmières et autres assistantes sociales au nom de la liberté pour tous d’accès à la contraception !

La vérité est ailleurs.

Les pilules de troisième génération ont été autorisées et leurs risques connus depuis les années 90. En France jusqu’à maintenant certains contraceptifs de troisième génération sont remboursables par la sécurité sociale. En décembre 2011, la Direction Générale de la Santé a saisi la Commission de la Transparence pour une réévaluation du Service Médical Rendu (SMR) des contraceptifs oraux oestroprogestatifs. Mi-2012 la commission a enfin baissé la cotation du SMR de ces contraceptifs de « important » à « insuffisant ». Au lieu de tergiverser, pour ensuite mettre en cause les généralistes, le Ministère de la Santé aurait dû décider immédiatement de retirer ces produits du marché ou, tout au moins, d’encadrer strictement la distribution. Mais cela n’a pas été fait… Pourquoi ? Sans doute les lobbies, les pressions et les idéologies sont-elles trop fortes…

Lobbies parce que les laboratoires en questions sont riches et disposent de puissants groupes de pressions sur les fonctionnaires, sur les politiques et sur les médecins…. Idéologies parce qu’en France dire que la pilule ce peut être dangereux pour la santé c’est déjà entrer dans un conflit philosophico-social…

Les alternatives ?

Attention à ne pas faire n’importe quoi. On lit dans les médias que l’anneau vaginal ou le patch contraceptif serait une alternative crédible et sans risque… Ce n’est pas certain.

« Qu’en est-il de « Nuvaring » (l’anneau vaginal) et de Evra (le « patch » contraceptif) ?

L’un et l’autre ont les mêmes caractéristiques et les mêmes effets secondaires potentiels que les pilules oestrogéniques, même si le passage de l’hormone se fait par voie vaginale pour l’une et à travers la peau pour l’autre, et non à travers le tube digestif, comme la pilule.

Or, le patch EVRA contient elle aussi un progestatif de 3e génération (la norelgestromine) et l’agence canadienne de santé et la commission européenne compétente ont toutes deux mis en garde contre son utilisation : le risque d’AVC est environ deux fois supérieur à ce qu’il est avec les pilules de 2e génération donc, similaire à celui des pilules au désogestrel et au gestodène – 40/100 000/an. (Sources : Rev Prescrire 2007 ; 27 (284) : 424 ; Rev Prescrire 2009 ; 29 (311) : 663)
Les risques vasculaires de l’étonorgestrel, le progestatif de 3e génération contenu dans l’anneau NUVARING n’ont, eux, pas été évalués ! 

Dans le doute, il est préférable de ne pas faire des patientes des cobayes, et de réserver exclusivement son utilisation à des femmes :
 ayant déjà utilisé une contraception par estrogènes pendant plus de deux ans sans incident ;
 n’ayant aucun facteur de risque vasculaire (ni familial, ni sanguin) ;
 qui tiennent à recourir à cette voie d’administration plutôt qu’à toutes les autres (pilules, DIU, implant) et 
 qui connaissent les risques liés aux contraceptifs de 3e génération et l’absence de données chiffrées pour Nuvaring  !

Mais dans tous les cas, il n’est pas raisonnable de prescrire un Nuvaring à une adolescente ou à une jeune femme dont ce serait la première contraception, non seulement en raison des risques d’AVC (inconnus) mais aussi des risques de grossesse (plus une méthode est nouvelle et demande des manipulations, plus elle est source d’échecs…) !

In : Contraception : comment l’ignorance médicale et le marketing industriel mettent les femmes en danger… et comment en réchapper !par Martin Winckler (Dr Marc Zaffran)

C’est quoi ma pilule ?

Bon, mais c’est quoi la « génération » d’une pilule ?

Le mot « génération » fait référence aux trois grands types de pilule contenant des estrogènes commercialisées au cours des 50 années écoulées.

La « première génération » est celle (disparue à présent) des pilules commercialisées dans les années 60 et qui contenaient de fortes doses d’estrogènes ; Stédiril était la plus courante.

Les pilules de « 2ème génération » (apparues dans les années 70 et 80) sont celles qui contenaient les mêmes progestatifs que celles de la première génération avec une dose plus faible d’estrogène. On savait déjà à l’époque que les doses d’estrogène des pilules de 1ère génération étaient sources d’effets secondaires (gonflements des seins, nausées, rétention d’eau, migraines… et troubles vasculaires). Comme c’est le progestatif qui est contraceptif (l’estrogène est là seulement pour rendre la prise plus confortable), on a baissé les doses. Les pilules de 2ème génération sont celles qui contiennent les progestatifs les plus sécuritaires :
 la noréthistérone (MiniphaseTriella
 le lévonorgestrel (MinidrilAdépalTrinordiol) (NB : le lévonorgestrel est également le composant unique, à dose plus élevée, dans la pilule dite « du lendemain » ou « d’urgence » – Norlevo, Plan B. [1].)

Les pilules de 3ème génération (commercialisées dans les années 90) contiennent un progestatif plus récent : 
 gestodène, désogestrel, norgestimate (CilestVarnolineMéliane, etc.) ou un autre produit tenant lieu de progestatif : 
 cyprotérone (Diane et ses dérivées, qui ne devraient même pas être prescrites comme des pilules) ; 
 drospirénone (Jasmine et ses dérivées et génériques qui peuvent produire, en plus, d’autres effets secondaires au moins aussi graves) ; 
 chlormadinone (Bélara). 

Le risque d’AVC est plus élevé avec la troisième génération de pilule car le progestatif qui entre dans leur composition est dit « faible », autrement dit : il ne contrebalance pas suffisamment les effets vasculaires nocifs de l’estrogène. 

In : Contraception : comment l’ignorance médicale et le marketing industriel mettent les femmes en danger… et comment en réchapper !par Martin Winckler (Dr Marc Zaffran)
Pour conclure : La prise de la pilule n’est pas anodine, elle présente des risques qui doivent être évalués en fonction des avantages escomptés. 
 Ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain… La prise de la POP présente des avantages et évite beaucoup d’IVG. En 1995, au Royaume-Uni, une vague de « panique à la pilule » avait fait grimper le taux d’interruptions volontaires de grossesse.
 Seul un médecin pourra vous aider à faire la part des choses et à choisir la contraception qui vous est conseillée. 
 Les préservatifs n’ont aucune contre-indication médicale, en plus de leur qualité contraceptive ils assurent une prévention contre de nombreuses maladies sexuellement transmissibles. 
 Un seul mot d’ordre : pilule et tabac : JAMAIS !

Addentum :

Liste des POP ou progestatif par nom de marque et par catégorie.

Progestatif de reference :

  • Leeloo
  • Lovavulo
  • Ludéal
  • Microval (progestatif faiblement dosés)
  • Minidril
  • Optilova
  • Stediril
  • Zikiale

 3e génération :

  • Carlin
  • Cerazette (progestatif faiblement dosé)
  • Cilest
  • Désobel
  • Désogestrel Ge
  • Désogestrel Ge (progestatif faiblement dosé)
  • Edénelle
  • Efézial
  • Effiprev
  • Felixita
  • Gestodène Ge
  • Harmonet
  • Méliane
  • Melodia
  • Merclon
  • Minesse
  • Minulet
  • Moneva
  • Optinesse
  • Sylviane
  • Varnoline
  • Varnoline

Autres progestatifs : 

  • Belannette
  • Belara
  • Convuline
  • Cypropharm
  • Cyproterone Ge 
  • Diane35
  • Drospérinone Ge 
  • Drospibel
  • Evépar
  • Holgyeme
  • Jasmine
  • Jasminelle
  • Lumalia
  • Minerva
  • Rimendia
  • Yaz

On lira avec intérêt les textes suivant : 


Notes

[1] Son utilisation sous cette forme par des millions de femmes n’a provoqué AUCUN accident vasculaire depuis trente ans.

Philippe Beury

Philippe Beury

Médecin du Sport & nutritionniste

Président de MeSCoS, docteur en médecine, DESC médecine du sport, nutrition, pratiquant la mésothérapie, le dryneedling, l’approche systémique. Médecin du sport au club de football ESTAC, membre de l’association des médecin du football professionnel.
Philippe Beury

Philippe Beury

Médecin du Sport & nutritionniste

Président de MeSCoS, docteur en médecine, DESC médecine du sport, nutrition, pratiquant la mésothérapie, le dryneedling, l’approche systémique. Médecin du sport au club de football ESTAC, membre de l’association des médecin du football professionnel.