Pourquoi y a-t-il tellement de gros en ce moment…

par | Avr 28, 2019 | Nutrition

C’est à notre patrimoine génétique, la longue « sélection naturelle » qui a permis à l’homo sapiens de survivre au néolithique, que l’on doit l’augmentation des obèses dans notre civilisation.

Ce sont aussi ces raisons qui expliquent (et pourquoi pas nous permettront d’éviter…) l’effet Yo-Yo…

Pourquoi y a-t-il tellement de gros en ce moment…

Notre patrimoine génétique est resté celui de l’homme du paléolithique. A cette époque les homo sapiens étaient des « chasseurs cueilleurs », ils vivaient de la chasse, du charognage et de la cueillette des plantes et des fruits. La qualité de leur alimentation, et surtout la quantité, dépendaient de leur aptitude à tuer ou à trouver leurs aliments. Bien sûr, il y avait des périodes fastes et des périodes moins fastes… L’hiver, la cueillette était réduite et parfois la chasse était mauvaise…

Les hommes de cette époque ont donc appris à « stocker » l’énergie. Pour faire simple, disons qu’après un bon repas, quand on avait tué ou trouvé un Auroch ou un bison, les hommes mettaient en réserve, sous forme de graisse, de l’énergie qui leur permettait d’attendre plusieurs jours voire plusieurs semaines, qu’une nouvelle bombance leur permette de se « remplir ». Quand je dis tous les hommes ce n’est pas tout à fait exact… Certains hommes seulement… Chromosomiquement il existe deux types de personnes : les stockeurs capables de transformer les protides et les glucides en graisse assez facilement ; et les « non stockeurs » incapables de faire de la graisse même si la nourriture est en abondance.

Cette différence entre non stockeurs et stockeurs existe toujours. Vous connaissez forcement autour de vous, quelqu’un qui peut manger autant qu’il veut sans jamais grossir, c’est un « non stockeur »… Cette faculté, si favorable aujourd’hui, était une catastrophe au Paléolithique… Car le non stockeur, « quand la bise fut venue », quand la nourriture venait à manquer… mourrait ! Les stockeurs eux, survivaient, faisaient des enfants « stockeurs » eux aussi, etc… La « pression de sélection » favorisait donc les stockeurs… Nous sommes tous des descendants de stockeurs car les non stockeurs sont tous morts dans les famines successives. (Notons que les « non stockeurs d’aujourd’hui » sont, eux-aussi descendants de « stockeurs » mais qu’une « mutation spontanée » a transformé leur patrimoine génétique…)

Malheureusement pour nous, les progrès de la civilisation, ont supprimé les famines… Nous avons, au moins en occident, suffisamment à manger chaque jour, au moins en quantité si la qualité ne suit pas… Plus de famine, cela veut dire, plus de déstockage… Notre schéma génétique nous pousse donc à mettre de côté des réserves que nous accumulons en prévision de jours sombres qui ne viennent jamais… et nous mettons quelques kilos de côté…

Tout cela ne serait pas grave si la mode n’était pas à la maigreur et si les nutritionnistes (experts ou amateurs) n’existaient pas… En effet, le stockage naturel est toujours assez limité sauf pour quelques malheureuses exceptions…

Pour les autres, ils stockent 4 ou 5 kilos de graisse répartis harmonieusement dans l’organisme… Et cela se stabilise…

Tout cela ne serait pas grave si la mode n’était pas à la maigreur…

Cela se stabilise parce qu’il existe un admirable ordinateur au sein de notre cerveau, qui nous permet de trouver exactement ce qu’il nous faut de nutriments autour de nous. Et cet ordinateur est une machine d’une précision et d’une finesse absolues.

Si moi, qui ai fait des études de nutrition assez poussées, je devais faire votre menu pour demain en fonction de vos activités, de votre logement, de votre sommeil ; avec un bon ordinateur je mettrais beaucoup de temps… Bien sûr, il est assez facile de dire que vous avez besoin de tant de lipides, tant de glucides, tant de protides, de dire la quantité d’eau à boire etc, etc… mais, s’il faut entrer dans les détails, s’il faut dire combien il faut de chrome, de molybdène, de sélénium, d’oméga 3 et autre manganèse, cela devient beaucoup plus compliqué.

Puis s’il faut traduire cela en menu disponible ou s’il faut aller au marché pour trouver les aliments qui correspondent exactement à vos besoins… cela devient un casse- tête impossible ! En gros, pour chaque repas, je passerais deux ou trois jours…

Et bien, naturellement, le merveilleux ordinateur dans votre cerveau fait cela chaque jour sans se tromper. Rares sont les déficits en micronutriments, rares sont les carences quand les produits adéquats sont disponibles… La précision de notre cerveau est telle qu’il adapte à quelques calories près les entrées et les sorties pour que notre poids reste remarquablement stable…

Même les « gros », même les gens qui veulent maigrir savent qu’un jour ils arrêtent de grossir (sauf quelques rares exceptions) et que, quand ils sont stables, leur poids ne fluctue pas quelles que soient leurs activités… Les « entrées » (ce qu’ils mangent) équilibrent strictement les « sorties » (les calories et les nutriments consommés)…

Ce merveilleux système malheureusement a ses failles… Et ses failles, ce sont nous…

Une femme équilibrée à 70 kg se trouve trop « forte » pour les critères de l’époque… Elle a, c’est vrai, un ou deux bourrelets de graisse autour des cuisses et des fesses… Ces bourrelets qui sont les réserves dont nous parlions plus haut… Si elle fait 70 kg c’est que son corps estime que c’est son poids « idéal » celui qui lui permet d’affronter les difficultés possibles de la vie. Cette femme fait un « régime », elle perd donc 10 kg. Le corps interprète le régime comme une famine… Il va donc d’abord économiser l’énergie pour éviter de perdre trop de poids. Et le corps réagit beaucoup plus vite qu’un gouvernement quand il s’agit de mettre en route la « rigueur »… Le corps économise en rendant la dame « fatiguée »… Asthénique, elle bouge moins, elle dépense moins d’énergie, il la rend « frileuse », elle a froid, elle met des vêtements, elle baisse son thermostat intérieur, elle dépense donc moins de calories en chauffage…. Cela la rend morose, moins active, elle sort moins, elle voit moins ses amis, elle rit moins, etc, etc… diverses mesures aboutissant à une économie de dépense…

Mais rien n’y fait, si malgré tout le régime se poursuit et qu’il est assez strict… la dame perdra du poids et atteindra les 60 kg escomptés ! Et la vie normale reprend…

Seulement, le corps a enregistré l’aventure, le cerveau a appris… Il a appris que pour rester à 70 kg il fallait avoir 10 kg de plus si une famine (un régime) survenait… Il a donc pour nouvel objectif de peser 80 kg. Et la dame qui était si contente de peser 60 kg se met à avoir des fringales, à avoir des envies dignes d’une femme enceinte, à manger de plus en plus… Et, naturellement elle reprend son poids puis le dépasse pour atteindre les 80 kg…

Si un nouveau régime arrive un an ou deux après, la dame redescendra (plus difficilement d’ailleurs nous y reviendrons) à 60 kg… mais alors l’ordinateur de son cerveau aura compris qu’il ne faut pas 10 kg de marge mais 20… et à la sortie du régime, le corps s’obstinera à lui donner envie de manger jusqu’à ce qu’elle pèse 90 kg…

Voilà expliqué l’effet « yoyo »…

C’est pourquoi il ne faut pratiquement jamais mettre au régime les jeunes (moins de trente ans)… c’est pourquoi tout régime devra comprendre, dans sa phase de stabilisation, la prise en compte de ce phénomène… Ce qui est, finalement, assez facile… nous en parlerons un autre jour !

Et ce n’est pas la peine de maudire le mauvais sort… si vous êtes un peu « fort » c’est que vous êtes un « stockeur » et, si vous n’étiez pas stockeur… vous ne seriez jamais né !


Philippe Beury

Philippe Beury

Médecin du Sport & nutritionniste

Président de MeSCoS, docteur en médecine, DESC médecine du sport, nutrition, pratiquant la mésothérapie, le dryneedling, l’approche systémique. Médecin du sport au club de football ESTAC, membre de l’association des médecin du football professionnel.
Philippe Beury

Philippe Beury

Médecin du Sport & nutritionniste

Président de MeSCoS, docteur en médecine, DESC médecine du sport, nutrition, pratiquant la mésothérapie, le dryneedling, l’approche systémique. Médecin du sport au club de football ESTAC, membre de l’association des médecin du football professionnel.