Se remettre en forme avec le bon docteur TABATA !

par | Avr 28, 2019 | Nutrition

Les vendeurs de miracles peuplent internet… Je ne parle pas des voyants qui désirent vous annoncer de bonnes nouvelles, des gourous vous promettant d’améliorer la taille de votre sexe, ou des jeunes filles soudainement tombées amoureuses de moi…. Non, au-delà des escroqueries évidentes, certains sites internet, apparemment sérieux, vendent tout et n’importe quoi…

Le dernier truc à la mode, ce qui permet de maigrir et de retrouver une forme physique extraordinaire sans effort et sans perte de temps c’est… la méthode TABATA !

Ça fleurit sur Internet depuis quelques temps, c’est à la mode, il existe des applications pour smartphone pour cela… Ça fait maigrir à tous les coups… Ça met en forme ! Ça ne prend que quelques minutes par jour… Qui croirait en cette vaste fumisterie ? Eh bien, beaucoup de monde en fait.

La méthode Tabata : 4 minutes d’entraînement plus efficaces qu’1 heure de cardio

La méthode TABATA fait un malheur en ce moment. Pensez-donc !… Alors que d’aucuns s’échinent à maigrir ou à être en forme en faisant 3 à 4 heures d’activité physique par semaine et en s’astreignant à un régime ardu, les promoteurs de cette superbe méthode affirment avoir des résultats meilleurs en faisant 5 fois 4 min d’entrainement par semaine soit 20 min… Avouez que c’est tentant…

Certains sites n’hésitent pas sur la surenchère : « La méthode Tabata : quatre minutes d’entraînement plus efficaces qu’une heure de cardio » En continuant un peu, je suis persuadé que cette méthode peut aussi vous faire épouser une superbe héritière et vous faire gagner au loto… Sérieusement, il n’y a pas que du délire dans cette méthode mais les choses ne sont pas si simples que cela.

D’abord qui est Tabata

Non, il ne s’agit pas de l’héroïne de mes soirées solitaires passées, Tabatha Cash n’a rien à voir là-dedans quoiqu’elle pourrait remettre en forme plus d’un… Le Dr Izumi Tabata est un physiologiste travaillant pour l’Institut national des sports et de la condition physique de Tokyo (Japon).

Il a effectué en 1996 une étude portant sur des athlètes de haut niveau afin d’analyser les effets d’un entraînement continu à faible intensité comparé à un entraînement en interval-training à haute intensité, cinq fois par semaine pendant 6 semaines, sur ergomètre (vélo de salle de sport) : 
  Cinq fois par semaine, le premier groupe effectuait des séances d’une heure à 70% de VO²max, 
  Le second groupe effectuait ses séances comme suit : échauffement, puis huit séries constituées de 20 secondes à 170% de VO²max suivi de 10 secondes de récupération soit 4 min de travail.

Ses résultats furent publiés en octobre 1996 dans « Med. Sci Sports Exerc. » une publication scientifique très sérieuse : Effets d’un entrainement en endurance d’intensité modérée et d’un entrainement intermittent de haute intensité sur la capacité anaérobie et la VO2max.  [1] Le résumé des conclusions disait ceci : « This study consists of two training experiments using a mechanically braked cycle ergometer. First, the effect of 6 wk of moderate-intensity endurance training (intensity : 70% of maximal oxygen uptake (VO2max), 60 min.d-1, 5 d.wk-1) on the anaerobic capacity (the maximal accumulated oxygen deficit) and VO2max was evaluated. After the training, the anaerobic capacity did not increase significantly (P > 0.10), while VO2max increased from 53 +/- 5 ml.kg-1 min-1 to 58 +/- 3 ml.kg-1.min-1 (P < 0.01) (mean +/- SD). Second, to quantify the effect of high-intensity intermittent training on energy release, seven subjects performed an intermittent training exercise 5 d.wk-1 for 6 wk. The exhaustive intermittent training consisted of seven to eight sets of 20-s exercise at an intensity of about 170% of VO2max with a 10-s rest between each bout. After the training period, VO2max increased by 7 ml.kg-1.min-1, while the anaerobic capacity increased by 28%. In conclusion, this study showed that moderate-intensity aerobic training that improves the maximal aerobic power does not change anaerobic capacity and that adequate high-intensity intermittent training may improve both anaerobic and aerobic energy supplying systems significantly, probably through imposing intensive stimuli on both systems.  » que l’on peut traduire ainsi «  Cette étude se compose de deux expériences d’entrainement à l’aide d’un ergomètre freiné mécaniquement. Tout d’abord, l’effet de 6 semaines d’entraînement en endurance d’intensité modérée (intensité : 70% de la consommation maximale d’oxygène (VO2max), pendant 60 min 5 fois dans la semaine) sur la capacité anaérobie (le déficit d’oxygène maximal accumulé) et VO2max a été évaluée. Après cet entrainement, la capacité anaérobie n’a pas augmenté de manière significative (P> 0,10), tandis que VO2max est passé de 53 +/- 5 ml.kg-1 min-1 à 58 +/- 3 ml.kg -1 .min-1 ( P <0,01) (moyenne +/- écart-type). Deuxièmement, pour quantifier l’effet d’un entrainement de haute intensité intermittente sur la libération de l’énergie, sept sujets ont effectué un exercice d’entraînement intermittent 5 fois par semaine, pendant 6 semaines. Cet entrainement intermittent est composé de sept à huit séries de 20 secondes d’exercices à une intensité d’environ 170% de VO2max avec 10 secondes de repos entre chaque exercice. Après la période d’entrainement, VO2max a augmenté de 7 ml.kg -1 .min-1, tandis que la capacité anaérobie a augmenté de 28%. 
En conclusion, cette étude a montré que les entrainements d’intensité modérée s’ils augmentent la puissance maximale aérobie ne changent pas la capacité anaérobie ; en revanche, l’entrainement intermittent à haute intensité peut améliorer à la fois la capacité anaérobie et la VO² max. de manière significative, probablement en imposant des stimuli intenses sur les deux systèmes. 
 »

Pour résumer et simplifier, l’étude montrait que des entraînements courts à très haute intensité par intervalles permettaient d’obtenir des résultats plus importants sur la capacité anaérobie des sportifs que des entraînements longs mais à faible puissance.Résultats apparemment époustouflants puisque 4 min d’entrainement par jour obtenaient de meilleurs résultats que 60 min soit 20 min d’entrainement par semaine plus efficaces que 5 heures hebdomadaires ! CQFD

Il n’en fallait pas plus pour que les préparateurs physiques de pacotille et autres conseillers santé camelote se mettent à faire de la science de pointe et à s’improviser physiologistes universitaires… dans leur site internet en particulier…
Sauf que, sauf que… 
  Sauf que le docteur TABATA comparait deux groupes de cyclistes de bon niveau puisque leur VO² max initiale était de 53 (c’est le résultat qu’obtient un sportif de 40 ans qui court 5 heures par semaine en endurances et qui a une VMA de 15 km/h… ) En gros ces sportifs pouvaient courir les 42,195 km du marathon en 3h50… Ce n’étaient pas des obèses voulant maigrir…
  Sauf que les sportifs qui effectuaient l’entrainement par intervalle s’échauffaient pendant 20 min avant cet exercice. Ils ne faisaient donc pas 4 min mais 24 min de sport… 
  Sauf que l’exercice était effectué sur ergomètre (vélo de salle de sport), 
  Sauf que l’exercice s’adressait à de jeunes hommes, en bonne santé, sans surpoids, et habitués à l’exercice physique régulier…
  Sauf que la seule application pratique qu’en a fait le docteur TABATA le fut sur l’équipe olympique japonaise de patinage de vitesse, et là, ceux sont des sportifs de très très haut niveau…

Aucun rapport avec la cible des sites internet que j’évoquais plus haut…

4 raisons d’utiliser la méthode Tabata.

D’abord essayons de critiquer la méthode en examinant ces avantages théoriques tels qu’ils sont proclamés par le site internet sus-cité : 
  Gagner du temps : on peut s’entraîner même si l’on ne dispose pas de beaucoup de temps (difficile de ne pas trouver quelques minutes dans son emploi du temps). C’est vrai sauf que pour l’effectuer correctement il faut commencer par s’échauffer pendant 20 min… 
  Efficace pour la perte de poids et pour stimuler le métabolisme : vous brûlez plus de calories, plus longtemps et vous continuez même à les brûler après le workout. C’est faux ! La quantité de calories brûlées pendant un exercice de 4 min à 170% de la VO2 max pour un homme de 80 kg est de 103 Cal. Alors qu’il dépensera 640 Cal. en courant une heure à 8 km/h… soit quand même six fois moins ! Le site affirme «  et vous continuez même à les brûler après le workout » mais ceci est également vrai pour l’entrainement en endurance qui permet d’augmenter le métabolisme de base en dehors des séances de sports. 
  Améliore votre niveau de fitness et votre santé : amélioration des capacités cardiovasculaires et diminution des risques de diabète. Alors là, attention… Autant, nous le verrons plus bas, il n’y a aucun inconvénient, et même quelques avantages, à faire faire ce genre d’exercice à des sportifs habituels ; autant conseiller cela à des personnes ne faisant pas de sport, en surpoids ou présentant des pathologies comme le diabète de type 2 ne me parait pas du tout sérieux. On risque des accidents cardiovasculaires, l’arrêt cardiaque, l’infarctus… On risque aussi le manque d’efficacité, car le non sportif ne parviendra pas à atteindre les 170% de VO²max ! 
  Permet de s’entraîner partout : à la maison, à l’hôtel, en vacances… Certes, certes…

Alors TABATA ? On jette ?

Donc cette méthode ne vaut rien, me direz-vous… Ce n’est pas exact ! Encore une fois, inutile de jeter le bébé avec l’eau du bain accompagné du beurre de la crémière…

Il y a des choses à apprendre de Tabata qui peuvent nous aider à améliorer notre exercice physique. La pratique des exercices inspirés par l’étude du Dr Tabata permet de pratiquer des exercices réguliers, de façon courte, régulièrement… Et ainsi d’obtenir une amélioration progressive des capacités cardiovasculaires du patient. Mais il faut être prudent. D’abord voir un médecin pour éliminer une contre-indication au sport, si l’on a plus de 45 ans consulter un cardiologue pour effectuer une épreuve d’effort dépistant une incapacité pour le cœur à subir une telle charge de travail et enfin être progressif dans la montée en charge des exercices…

Votre programme :
Dans ces conditions on peut par exemple consacrer trois séances de sport court et intense et une séance longue par semaine. 

Trois séances courtes, à ne pas faire à jeun, ni immédiatement après le repas, ni le soir avant de dormir : 

 Cinq minutes d’échauffement en courant tranquillement, puis

 Trente secondes de corde à sauter, suivies de trente secondes de repos en marchant tranquillement ; série à faire dix fois, puis 

 Trente secondes de course le plus vite possible, suivies de trente secondes de repos ; série à faire cinq fois. 

Une séance longue : soit une heure de jogging tranquille en discutant avec un ami (si vous pouvez parler c’est que vous êtes autour de 70% de VO max, si vous êtes trop essoufflé pour parler, il faut ralentir le rythme… ) Cette séance peut se faire à jeun si vous voulez optimiser la consommation de graisse viscérale… 

Votre planning sportif pourra s’inspirer de cela : 

  Lundi Tabata, 

  Mardi repos, 

  Mercredi Tabata

  Jeudi repos

  Vendredi tabata,

  Samedi soixante minutes de jogging, 

  Dimanche repos.

Ou, et c’est peut-être plus efficace : 

  Lundi Tabata, 

  Mardi Tabata, 

  Mercredi Tabata

  Jeudi repos

  Vendredi repos,

  Samedi soixante minutes de jogging, 

  Dimanche repos.

Voilà, il ne vous reste plus qu’à vous y mettre… On commence demain ?


Philippe Beury

Philippe Beury

Médecin du Sport & nutritionniste

Président de MeSCoS, docteur en médecine, DESC médecine du sport, nutrition, pratiquant la mésothérapie, le dryneedling, l’approche systémique. Médecin du sport au club de football ESTAC, membre de l’association des médecin du football professionnel.
Philippe Beury

Philippe Beury

Médecin du Sport & nutritionniste

Président de MeSCoS, docteur en médecine, DESC médecine du sport, nutrition, pratiquant la mésothérapie, le dryneedling, l’approche systémique. Médecin du sport au club de football ESTAC, membre de l’association des médecin du football professionnel.