Jeûne et hypoglycémie…

par | Avr 28, 2019 | Nutrition, Santé

Dans mon texte du 4 mars je préconisais la course « à jeun ». Comme d’habitude, lorsqu’on parle d’activité physique et de jeûne, les commentaires sont arrivés… En particulier celui de « El Ve » « On râle après les gamins qui ne déjeunent pas le matin et vont à un cours de sport dans la matinée et derrière c’est un malaise. Vous pouvez m’expliquer ? »

D’où viennent les informations nutritionnelles qui sont admises par tous ? Sont-elles fiables ?

D’abord « On râle… » mais qui râle ? En France il est établi qu’il faut manger un bon petit déjeuner le matin, avant de commencer sa journée de travail, pour partir en forme… On applique à tout le monde cette règle. S’y opposer c’est heurter un tabou. « Si vous ne mangez pas le matin, vous ferez une hypoglycémie en fin de matinée »…

C’est aller un peu vite en besogne et, comme souvent, on se contente de « copier-coller » en guise de réflexion scientifique… Recopier ce qu’ont dit les autres sans vérifier ce qu’ils ont dit… Comme en Histoire, la littérature « scientifique » est pleine de semi-plagias…

D’abord d’où vient cette conviction ?

C’est difficile à savoir car les études scientifiques prouvent toutes que le jeûne, en particulier le jeûne de la nuit (10-12 heures quand même) ne crée pas d’hypoglycémie… Quand vous vous réveillez le matin, l’organisme a mis en place des processus de « cétose » c’est-à-dire des processus d’utilisation des graisses…

Ce procédé est tout à fait naturel. C’est d’ailleurs pour cela que l’organisme « fait des réserves » sous forme de graisse. Le corps, sous l’effet de l’insuline, transforme les sucres et les protéines (moins les graisses…) en graisse pour faire des réserves… (Comme l’homo-sapiens néolithique…). Quand les réserves de glucides de l’organisme sont utilisées (il ne faut pas longtemps, quelques heures de jeûne ou quelques centaines de mètres de course) l’organisme, naturellement, va puiser dans ces réserves… Et, tant que les réserves ne sont pas épuisées et que l’effort n’est pas trop élevé, il ne risque pas d’hypoglycémie…

A jeun, pas d’effort violent !

Parlons déjà du second point : « tant que l’effort n’est pas trop élevé »… Pour les efforts violents on utilise surtout du glucose… Pour une raison simple, il faut plus d’oxygène pour métaboliser les lipides qu’il n’en faut pour utiliser les glucides (parce qu’il y a déjà plus d’oxygène dans les molécules de glucose). Donc pour un 110 mètre-haies, pour rattraper votre bus si vous êtes en retard ou pour monter trois étages quatre à quatre, il vous faut du glucose… Donc en cétose (qu’elle soit provoquée par le jeûne ou par la longueur de l’effort –le mur des 30 km du marathon par exemple) pas d’effort violent et brutal ou danger !…

728 km sans s’arrêter pour épuiser les réserves en graisse d’un footballeur de l’ESTAC !

Revenons au premier point « tant que les réserves ne sont pas épuisées  »… et là, vous avez de la marge… Le poids moyen de mon équipe de foot est de 77,1 kg pour un pourcentage de graisse de 9%, ils sont bien affutés… pas un gramme de graisse de trop ! Eh bien ils possèdent quand même approximativement 7 kg de graisse chacun dont 6 kg de réserve… Cela ne semble pas beaucoup mais c’est suffisant pour courir 52 heures à 14 km/h avant d’épuiser leur réserve de graisse soit une distance de 732 km ! Il y a de la marge… Et ce sont des sportifs de haut niveau, sans un gramme de graisse excédentaire ! Alors vous et moi… [1]

Donc les réserves de graisse sont « quasiment » inépuisables…

Les cycles pervers « hyperglycémie-sécrétion d’insuline- hypoglycémie »

Dans les conditions normales, sans effort violent, il est quasiment impossible de faire une hypoglycémie si on ne mange pas le matin… On est en cétose, donc on est protégé… Pas forcément en forme (on le verra après) mais protégé de toute hypoglycémie… Ce qui n’est pas le cas de ceux qui déjeunent…

Car, étonnamment, et en opposition avec ce qu’on lit partout, ce sont ceux qui déjeunent, et surtout ceux qui utilisent des « sucres rapides » qui risquent l’hypoglycémie… Le « petit-déjeuner idéal » des nutritionnistes… qui commence par un « jus d’orange » véritable bombe glucidique… fait le lit des hypoglycémies de la fin de matinée…

En effet, quand vous mangez des glucides, en particulier des glucides rapides, vous secrétez de l’insuline, hormone destinée à métaboliser les glucides. L’insuline utilise les glucides (donc les transforme en graisse…) donc elle fait baisser la glycémie… donc quand vous mangez des glucides le matin, vous secrétez de l’insuline, et vous risquez l’hypoglycémie de 11h00…

C’est d’ailleurs ce qui est à la base de l’épidémie d’obésité aux États-Unis… Dans les années 60, parallèlement à la baisse de l’activité, on a introduit des règles d’hygiènes alimentaires… On a donc introduit le jus d’orange et les sucres rapides le matin (auparavant on mangeait un gros morceau de pâté avec un bon morceau de pain bourré de fibre…) Ce qui induit une hypoglycémie en fin de matinée, qu’on compense en mangeant du sucre, qui lui-même entraine une sécrétion d’insuline donc une hypoglycémie, donc une fringale… On mange donc plus le midi… et on termine par du sucré… Ce qui entraine l’hypoglycémie de 17h00 compensée par le gouter… sucré ! Qui entraine la faim du soir… Etc, etc… Tout cela aboutissant à des cycles « hyperglycémie-sécrétion d’insuline- hypoglycémie », cycles entrainant la mise en réserve de graisse et prise de poids ! CQFD…

Pour conclure

Ainsi, El Ve, ce n’est pas le jeûne qui risque d’entrainer le plus d’hypoglycémie, mais le jus d’orange au petit-déjeuner… Étonnant non ? Je vous expliquerai demain pourquoi les « Fast-food » proposent des produits allégés comme le Coca zéro… et vous verrez que, là-aussi, il ne faut pas se fier aux apparences…

Écouter votre corps !

Là encore, plutôt que de faire confiance à des « experts » qui n’y connaissent finalement pas grand-chose, les personnes concernées devraient apprendre à s’écouter… à écouter leur corps ! 
  Certaines personnes n’ont pas faim le matin, elles se contentent d’un café pris rapidement debout… Celles-là supportent bien la cétose, et manger le matin les fera certainement grossir et être moins en forme !
  D’autres ne sont « pas bien » en cétose, elles ont besoin de manger au réveil… Qu’elles mangent alors mais en évitant au maximum les glucides rapides, qu’elles préfèrent les protéines…


Philippe Beury

Philippe Beury

Médecin du Sport & nutritionniste

Président de MeSCoS, docteur en médecine, DESC médecine du sport, nutrition, pratiquant la mésothérapie, le dryneedling, l’approche systémique. Médecin du sport au club de football ESTAC, membre de l’association des médecin du football professionnel.
Philippe Beury

Philippe Beury

Médecin du Sport & nutritionniste

Président de MeSCoS, docteur en médecine, DESC médecine du sport, nutrition, pratiquant la mésothérapie, le dryneedling, l’approche systémique. Médecin du sport au club de football ESTAC, membre de l’association des médecin du football professionnel.